Mon discours avant le vote sur la confiance au Gouvernement

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Madame la Présidente, 

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Chers collègues,

Monsieur le Premier Ministre, aujourd’hui, votre gouvernement tombera. Cela ne fait aucun doute. Il n’y a ni suspense ni hésitation. Dans quelques heures, vous présenterez au Président de la République votre démission, sans que cela ne soulève ni tristesse ni regret. 

De vous, nous ne retiendrons que vos mensonges délétères concernant votre inaction face aux violences à Notre-Dame de Bétharram, votre sens hasardeux des priorités quand vous choisissiez de prendre un jet pour Pau plutôt que d’être aux côtés des sinistrés à Mayotte et votre impeccable sens du timing quand vous choisissez de « redonner sa splendeur à » votre bureau de maire alors que vous annoncez aux Français qu’ils vont devoir se serrer la ceinture.   

Votre départ est un soulagement. Il serait presque une satisfaction, s’il n’était pas accompagné par l’inquiétude de la suite. Car le sujet du jour n’est pas tant votre personne, que ce qu’il adviendra dans les prochains jours.

La logique voudrait qu’après la fin précoce du gouvernement Attal, la censure de Michel Barnier et l’échec de votre gouvernement, enfin, les choses changent. 

La lucidité impose de reconnaître que la crise que nous traversons n’est pas un problème de casting, que changer de visages sans changer de politique n’entraînera que davantage de déception et d’instabilité. Que dans une Assemblée sans majorité, personne ne peut imposer sa politique sans tomber. D’autant plus, quand vous vous obstinez à mener une politique massivement rejetée par les Français.  

Aucun chantage, aucun discours catastrophique et aucune tournée des plateaux de télévision ne permettra de construire une stabilité politique. La stabilité politique, le lent rétablissement du lieu de confiance entre les citoyens et leurs élus, ne peut advenir que d’une seule manière : par le respect du vote. 

Le choix de près de 33 millions de Français nous oblige. Car l’Histoire retiendra que, face aux « grenades dégoupillées » d’Emmanuel Macron, face à son mépris, à sa brutalité et à son abus de pouvoir, le peuple français s’est levé. 

Et alors qu’Emmanuel Macron fait toujours la sourde oreille, le peuple persévérant a décidé de se faire maître des horloges. Il a refusé massivement le passage en force de la loi Duplomb et a lui-même convoqué les mobilisations du 10 septembre. 

Notre devoir maintenant est de lui prouver que sa voix est entendue, que son vote n’est pas vain. Il s’est dégagé trois faits indéniables des résultats des législatives anticipées de 2024, qui doivent guider nos actions : 

  • le rejet du Rassemblement national lorsque les Français leur ont bloqué l’accès à Matignon ; 
  • le refus de la politique d’Emmanuel Macron, puisque 2/3 des électeurs ont exprimé leur souhait d’un changement radical de politique ;
  • une Assemblée plurielle, où aucune force politique ne dispose d’une majorité ;  

Premier impératif : Respecter le barrage républicain 

Michel Barnier, comme François Bayrou, ont tous deux fait le choix de s’appuyer sur l’extrême droite pour mener leur politique. Pourquoi une telle dérive ? Une telle trahison ? Mais parce que chacun d’eux à décider de s’allier avec le parti de Bruno Retailleau, qui veut restreindre les droits des journalistes, qui souhaite arrêter le soutien de l’État aux énergies renouvelables, qui demande l’exclusion des femmes voilées des compétitions sportives et pense, comme le clan Le Pen, qu’il existe des Français de papier. 

Avec de tels alliés, rien d’étonnant que l’extrême droite soit votre assurance-vie. Le Rassemblement national a d’ailleurs voté 90 % des textes du gouvernement Bayrou et vote 50 % du temps avec les groupes qui soutiennent le Président. 

Chers collègues d’Ensemble, tant que vous continuerez votre alliance avec une droite qui n’a plus rien de gaulliste, vous serez prisonniers des filets du RN, vous continuerez de vous enfoncer dans l’erreur morale et la faute politique. 

Pour vous libérer de cette emprise, vous devez accepter de renoncer à mener votre politique, rien que votre politique. 

Deuxième impératif : rompre avec la politique d’Emmanuel Macron. 

Le bilan de sa Présidence est bien sombre : multiplication de cadeaux fiscaux non financés, augmentation du déficit public, épuisement de l’école et de l’hôpital public, abandon de l’environnement face aux lobbies et du logement face aux investisseurs. Cette politique a été rejetée dans les urnes et le serait encore plus violemment aujourd’hui si l’on en croit les sondages.

Pour sortir de l’impasse, le Président n’a pas d’autre choix que d’accepter une cohabitation, et de nommer un Premier ministre issu des rangs du Nouveau Front Populaire. 

Non pas pour changer de visage, mais bien pour changer de cap. Car un gouvernement de gauche ne peut et ne doit pas être le gilet de sauvetage de la politique macroniste. 

La discussion oui, la compromission : jamais !

La feuille de route d’un gouvernement de gauche sera de réparer ce que vous avez abîmé pendant toutes ces années et de permettre enfin aux Français de vivre mieux. 

Réparer, déjà, c’est refuser votre cure d’austérité dangereuse.

Car votre diagnostic budgétaire est faux : ce n’est pas l’augmentation des dépenses publiques — dépenses qui sont restées stables depuis 2017 — qui ont creusé le déficit, mais les baisses de recettes. Vos 44 milliards d’euros d’économie ne feraient qu’aggraver la situation, en ralentissant l’activité économique et en augmentant le chômage. Clairement, vous n’êtes pas le mieux placé pour combattre le déficit budgétaire quand alors que vous incapable de régler le déficit de confiance avec les Français. 

Nous remplacerons l’austérité par la justice fiscale. Nous mettrons un terme à l’injustice qui veut que quelques milliers de contribuables ultrariches soient deux fois moins imposés que le reste de la population. Ainsi nous mettrons en œuvre : 

  • La Taxe Zucman pour les patrimoines de plus de 100 millions d’euros — et sur ce sujet seulement — si un compromis est impossible, nous passerons par référendum : ce sont les Français qui paient vos erreurs, c’est donc à eux de décider. 
  • Une réforme du pacte Dutreil qui protège les héritages dorés 
  • Et bien sûr, le contrôle des 211 milliards d’euros d’aides aux entreprises et la suppression des aides indues. Il n’est pas normal qu’associations et les collectivités doivent justifier du moindre euro dépensé, alors que les grandes entreprises encaissent des milliards sans suivi ou contrepartie en termes de création d’emploi. 

Cet argent, nous permettra de réduire le déficit, mais aussi et surtout d’investir dans l’avenir, dans l’éducation, la recherche, l’enseignement supérieur, la santé, la transition écologique et l’adaptation de nos sociétés face aux impacts du réchauffement climatique. 

Et j’entends déjà les commentaires mesquins de certains sur ces bancs, mais, messieurs dames de la majorité présidentielle, quand, en 1 an et demi, vous avez creusé un trou de 70 milliards d’euros dans les caisses de l’État, de l’État, on se fait petit et on évite de donner des leçons. 70 milliards… 70 milliards, pour rappel, c’est l’équivalent de ce que vous voulez économiser avec la réforme des retraites entre 2023 et 2030 !

Nous défendrons le pouvoir de vivre dignement, grâce à la revalorisation des salaires, à la gratuité des premiers kilowattheures, l’encadrement des loyers et la lutte contre la vacance ou le développement des logements Airbnb. 

Nous protègerons notre santé, par le refus du doublement des franchises médicales, l’abrogation de la loi Duplomb, la régulation de l’installation des médecins pour garantir une meilleure répartition territoriale, la suppression de la majoration du ticket modérateur pour les patients qui n’arrivent pas à trouver un médecin traitant.

Face à la vague d’obscurantisme qui déferle depuis les États-Unis et dont la droite de cet hémicycle se fait le porte-voix, nous engagerons la planification écologique pour réduire de 65 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et de 90 % d’ici à 2040. Nous investirons en faveur de réduction de la consommation d’énergie, via la rénovation thermique des bâtiments, le développement des transports en commun et des modes actifs, mais aussi en investissant dans les énergies renouvelables. 

Le respect des connaissances scientifiques et l’action politique résolue sont les deux seules manières de préserver la biodiversité et de réduire les impacts du réchauffement climatique. 

Mais la défense des savoirs scientifiques, un autre dégât collatéral de l’entente avec l’extrême droite !

Nous engagerons une lutte contre les discriminations et pour l’égalité : un milliard pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, un plan d’action pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, et le déblocage des préfectures qui sont devenues des usines à créer des sans-papiers.  

Une France motrice dans le monde qui refuse le chantage de Donald Trump et demande la révision de l’accord entre les États-Unis et l’Union européenne, qui agit résolument en soutien des Palestiniens en soutenant financièrement l’UNWRA, en interdisant la vente d’armes à Israël et en engageant des sanctions contre le gouvernement. 

Comment faire passer ces mesures ? Là est toute la question. Par le dialogue et le travail avec l’Assemblée. 

Oui, le troisième impératif : redonner le pouvoir à l’Assemblée. 

Depuis 3 ans, nous dénonçons les passages en force, le mépris des institutions et des électeurs. 

La rupture avec le macronisme, c’est également la rupture avec ces méthodes. Une fois au gouvernement, il sera du devoir de la gauche de faire vivre le parlementarisme. Il ne doit plus être possible de passer en force en esquivant le vote de confiance, en dégainant les 49.3 à chaque budget.  

Ainsi, un gouvernement de gauche devra demander la confiance dès son installation et renoncer au 49.3 : preuve de l’engagement du nouveau gouvernement à agir dans le dialogue et l’écoute. 

Le socle gouvernemental se disloque sous nos yeux. Renforçant encore l’isolement présidentiel et l’hyperprésidentialisme d’une Ve République à bout de souffle. 

Monsieur le Président de la République, entendez que la cohabitation décidée par les Français, depuis un an déjà, s’impose à vous.